Parachiot Vayakel et Pekoudei ou savoir laisser la porte ouverte

Commençons par une question piège : Quand nous a été enseigné la première fois la mitsva de Shabbat ?

Rachi (Chemot 15:25) nous indique que la première fois où la mitsva du Shabbat nous a été enseigné est dans un endroit qui s’appelle Mara (première escale après la traversée de la mer Rouge par les enfants d’Israel).
Si c’est le cas, le Shabbat serait donc antérieure au don de la Torah. Selon cela, le premier endroit où la Torah mentionne effectivement le Shabbat est la Paracha Yitro (Chemos 20:7-10), dans le contexte des Dix Commandements.
Cette « répétition » n’est pas vraiment un problème. En effet, il est approprié qu’une mitsva aussi cruciale que le Shabbat soit l’objet d’une mention explicite dans la Torah, par opposition à la simple allusion dont il fait l’objet lors de l’escale à Mara.

Mais qu’en est-il du début de la paracha de cette semaine, Vayak’el / Pekoudei (35:1-2):

Et Moché convoqua toute la communauté des enfants d’Israël et leur dit: « Voici les choses que l’Éternel a ordonné d’observer.
Pendant six jours on travaillera, mais au septième vous aurez une solennité sainte, un chômage absolu en l’honneur de l’Éternel; quiconque travaillera (fera une mela’ha) en ce jour sera mis à mort.

Rachi souligne que Moché fit assembler les enfants d’Israel, le lendemain du jour de Yom Kippour, lorsqu’il est descendu de la montagne (au début de leur deuxième année dans le désert). Pourquoi Moché a voulu rassembler les Juifs tout de suite après Yom Kippour et tout cela dans le but de répéter la mitsva du Shabbat ? Y avait-il quelque chose de nouveau à nous enseigner ?

Une petite histoire nous aiderait à mieux comprendre ce qui se passe ici :

Rabbi Yossef ‘Haïm Zonnenfeld zt »l (Rav de Jérusalem) qui était réputé pour sa clarté et sa profonde compréhension de la Torah. De tous les coins d’Israel, les Juifs venaient pour lui demander conseil et lui demander de trancher leurs litiges. Il avait aussi un talent certain pour arriver à trouver un compromis qui satisfaisait les deux parties.

Cependant, quand il arrivait qu’un compromis équitable était impossible, il n’avait pas peur de se prononcer de façon stricte toujours dans le respect de la Torah. Il arrivait donc des fois où certaines de ses décisions n’ont pas été appréciés par les plaideurs vaincus comme dans l’histoire suivante.

Au cours d’un Din Torah particulièrement difficile (procès selon les lois de la Torah), il fut forcé de se prononcer contre un groupe de personnes qui étaient de riches et puissants membres de la communauté. Ils n’ont donc pas du tout apprécié sa décision et ont vigoureusement exprimé leur désapprobation. Leurs paroles n’ont bien sûr pas influencé son point de vue.

Un soir, pendant le mois d’Eloul (Septembre), Rabbi Yossef ‘Haim venait juste de s’asseoir pour prendre le repas avec sa famille quand soudain, la porte de sa maison s’ouvrit et un grand nombre de plaideurs furieux firent irruption chez lui et commencèrent à crier contre Rabbi Yossef de façon humiliante et irrespectueuse. Rabbi Yossef, pris de court par leur entrée subite, restait assis tranquillement tandis que les intrus continuaient à lui cracher leur venin au visage. Quand ils terminèrent leur diatribe, tous les yeux se tournèrent vers Rabbi Yossef : comment un grand homme allait réagir face à un tel acte de manque de respect flagrant que ce soit face à lui-même et à l’encontre de la Torah ? Lentement, il se leva de son siège.

« Qu’il soit su » dit-il d’une voix puissante, « que j’ai tenté de gouverner correctement selon mon interprétation de la sainte Torah. Si j’ai commis une erreur, à D.ieu ne plaise, alors je demande pardon à Hachem. Mais si, comme je crois que c’est le cas, il s’avère que je ne me trompe pas, » à ce moment sa voix monta d’un cran, « alors je veux que vous sachiez que, malgré l’énorme douleur et la gêne que vous m’avez causé face à ma famille, je suis tout à fait disposé à vous pardonner, je vous demanderai seulement de vous soumettre au jugement de la Torah, et d’accepter de vous conduire conformément à sa législation. » A cette dernière phrase, ses assaillants étaient tellement abasourdis qu’ils se retournèrent et quittèrent la maison du Rav aussi vite qu’ils étaient venus.

Rabbi Yossef ‘Haim se tourna vers sa famille et leur dit « Laissez-moi vous expliquer ce que vient de se passer : Ces hommes ont été extrêmement déçus de m’avoir vu statuer contre eux lors du procès. Cependant, leur action était tout à fait inapproprié et ils ont gravement péché, à la fois envers moi mais également envers Hachem. Les jours redoutables, au cours de laquelle chaque Juif est éveillé à la techouva et de la repentance, sont proches. Je n’ai aucun doute que ces hommes vont penser à leurs actions et se rendre compte à quel point ils ont péché. Quand cela arrivera, ils se tourneront vers Hachem pour lui demander pardon. Mais puisque leur péché était dirigé contre moi également, il sera impossible de leur pardonner à moins qu’ils ne reviennent vers mois pour me demander pardon également. Ce qui me préoccupe, c’est que par honte ou regret, ils hésitent à venir me voir. Par conséquent, j’ai laissé « la porte ouverte » pour eux en leur disant immédiatement que j’étais ouvert à la réconciliation, en ne demandant seulement qu’ils acceptent la vérité. Peut-être que le pardon que je leur ai accordé (à l’avance) permettra à leurs cœurs de rester ouvert à la repentance. C’est, après tout, la seule chose que je désire véritablement.  »

Il y a, dit Rabbi Moché Sternbuch Chlita, deux aspects distincts de Chabbat. D’une part, il y a le Chabbat de repos et de détente, des ​chants, des repas copieux, et du temps avec les amis. D’autre part, il y a le côté complexe de Chabbat : les lois, les détails, la rigidité qui (dans de rares circonstances) dit que c’est nécessaire de laisser sa maison brûler plutôt que d’éteindre un feu le Chabbat. Le Chabbat plein de minuties halakhiques, que le Talmud décrit avec justesse comme des « montagnes suspendues sur un cheveu ».

Les Juifs qui quittèrent l’Egypte étaient une nation brisée. Ils furent brisés dans l’esprit par le fait d’être descendu dans les tréfonds de la dépravation. Et ils ont été abattus physiquement par l’esclavage. C’était le moment idéal pour élever leurs esprits en leur donnant un avant-goût de la beauté et la douceur du Chabbat, c’est ce que Moché Rabbénou leur a enseigné à Mara.

C’est seulement après leur premier Yom Kippour, une fois qu’ils accédèrent à un repentir complet de leurs péchés et qu’ils n’eurent plus le cœur brisé et abattu que Moché se senti suffisamment en confiance pour leur révéler le côté plus dur et exigeant du Chabbat. Comme Rabbi Yossef ‘Haim dans notre histoire qui réalisa que, chez les hommes qui entrèrent chez lui, il ne voyait que la honte et le découragement, qui sont des excroissances naturelles du péché, et que celles-ci empêche une personne d’accepter toute opportunité de grandir et d’avancer. C’est pour cela que c’est seulement après Yom Kippour que Moché a choisi de leur enseigner « le reste de l’histoire ».

Quelle importante leçon cela représente pour les parents et les éducateurs ! Des critiques occasionnelle voir même éventuellement des punitions sont donc nécessaires pour aider l’autre à grandir. Pourtant, si nous critiquons et reprochons sans cesse au point qu’il ne reste plus rien chez l’autre pour qu’il sente bien, il s’avère qu’au lieu d’aider l’autre à grandir, nous sommes juste en train de l’enfoncer plus profondément dans son trou. Car ce dernier va se dire « Si je suis si mal que ça alors il n’y a vraiment aucun espoir, alors autant abandonner maintenant… ». Les meilleures opportunités pour nous permettre de grandir viennent au moment où, tout comme après Yom Kippour, on se sent positif et encouragé par nous-même et notre potentiel. Rappelez-vous toujours : si vous ne laissez pas la porte ouverte, personne ne pourra s’en sortir

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