Parachat Vayigach ou le respect d’autrui
Yossef ne put se contenir, malgré tous ceux qui l’entouraient. Il s’écria : « Faites sortir tout le monde d’ici ! » Et nul homme ne fut présent lorsque Yossef se fit connaître à ses frères.
II éleva la voix en pleurant. Les Égyptiens l’entendirent, la maison de Pharaon l’entendit,
et il dit à ses frères: « Je suis Yossef; mon père vit-il encore? » Mais ses frères ne purent lui répondre, car il les avait frappés de stupeur. (Berechit 45 : 1 à 3)
Yossef pris un risque énorme en se révélant de cette manière. En effet, en renvoyant les Égyptiens, il restait sans protection devant une audience qui était plutôt dangereuse. Pourquoi a-t-il fait cela ?
Le Midrach pose la question et y répond :
Quand Yossef dit « Que tous les hommes qui soient près de moi sortent ! » Pourquoi a-t-il fait cela ?
Rabbi Chmouel Bar Na’hman a dit : Yossef en faisant cela s’est mis en danger de mort en restant seul et donc sans protection puisque maintenant en étant seul, ses frères auraient pu le tuer. Après tout, aucun ne l’avait reconnu jusqu’alors, alors pourquoi agir de la sorte ? Yossef a agit ainsi car il s’est dit dans son coeur : « il est mieux pour moi que je sois tué, mais au moins je n’embarrasserai pas mes frères devant les Egyptiens ! ».
Ça parait plutôt incroyable non ? En effet, l’instinct primitif le plus puissant chez un homme n’est-il pas l’instinct de survie ? Et pourtant Yossef était prêt à risquer tout uniquement dans le but de ne pas humilier ses frères.
Tous les doutes que l’on aurait pu légitimement avoir sur la pureté de ses motivations par rapport à son jeu « tordu » du chat et de la souris entre lui et ses frères venait soudainement d’être clarifié dans les instants qui ont précédé sa révélation.
Car à ce moment non seulement sa motivation ne pouvait plus être basée sur la cruauté et l’insensibilité mais uniquement sur l’amour et la compasssion puisque avant de se révéler il voulait s’assurer que :
- ses frères avaient accompli une véritable Téchouva. Chose qui ne pouvait se vérifier que s’ils se trouvaient dans la même situation et qu’ils réagissent autrement.
- depuis que ses frères l’avaient jugé comme étant un faux prophète à l’époque où il avait parlé de ses rêves, il avait besoin de voir la réalisation d’au moins un de ses rêves comme celui où 11 étoiles se prosternent devant lui même si pour cela il fallait qu’il manipule lui-même les choses pour que la réalisation soit effective.
Comment Yossef a-t-il pu faire cela ? Comment a t il eu le courage de retenir assez longtemps cet océan d’émotions pour ne pas qu’il éclate devant les Egyptiens. Comment a-t-il développé un tel instinct de ne pas vouloir humilier ses frères.
Pour cela, je me permets de vous raconter une histoire sur le Rav Moché Feinstein ztl (1895 – 1986)
Le jour où cette histoire arriva, le Rav était déjà très âgé et il lui a été demandé comme à beaucoup de Sages du Talmud :
« Pourquoi avez-vous mérité une si longue vie ?« . Il répondit « J’ai essayé toute ma vie de ne jamais blesser un autre être humain« .
L’histoire suivante illustre très bien son propos et explique dans quelle mesure ce principe a été ancré au plus profond de son être.
Un jour, un groupe d’étudiants de Yeshiva ont respectueusement escorté Rabbi Moshé jusqu’à une voiture qui l’attendait sur le trottoir.
Dès qu’il fut à l’intérieur et la porte refermée, le pilote démarra directement.
Quelques rues plus loin, Rabbi Moshé exhorta le chauffeur à s’arrêter sur le côté de la route pour un moment. Une fois la voiture arrêtée, Rabbi Moshé ouvrit la porte de la voiture et enleva sa main fragile et âgée qui avait été écrasée lorsque la porte fut fermée par l’un des étudiants.
Le conducteur fut consterné et il demanda donc à Rabbi Moshé, « Pourquoi Rabbi n’avez-vous rien dit tout à l’heure ?« . Rabbi Moshé répondit: « Si j’avais réagi là-bas, ce pauvre garçon qui a fermé la porte sur ma main ne se serait jamais pardonné d’avoir fait cela. »
Comment peut-on être suffisamment préparé pour un tel test ? C’est certainement un travail de toute une vie!
On voit que pour Yossef ou pour Rabbi Moché, il y a plus fort que la douleur physique, il y a cette sensibilité face aux sentiments des autres. Aujourd’hui plus que jamais, il faut donc être attentif à autrui et c’est la leçon que Yossef HaTsaddik a voulu nous enseigner…à nous de l’appliquer en cette période où les valeurs de notre judaïsme sont attaquées de toute part.